Le zinc est pas tout neuf. La vapeur s'élevant d'une tasse à la couleur suspecte danse avec le temps s'emmêle et finit par embrouiller les esprits. L'arôme est un peu fade ce jour. L'enseigne est explosée de crasse. Cet endroit semble si simple dans une ville tant crevée de plaisirs nocturnes de gémissements, de jouissances de putains travesties pour chauffeurs de berlines. Le bar est presque fermé à cette heure çi et l'homme est déjà sorti de cette torpeur matinale. Ivrogne malgré lui il tue le temps à sa manière parlant à lui-même dans cette glace sans âge reflétant depuis de longues journées une silhouette anonyme. Parler à soi-même dans une glace ca craint pensa-t-il se rappellant que l'hiver est là.
Le col de son blouson remonte sur ses joues ternies de couleur. Sur un dernier verre de rouge il jure de refaire le monde les mains posées sur ce comptoir en zinc. Le bruit de la rue lui rappelle bien des choses. Sa cagoule aussi d'ailleurs. Sans emploi ironie du sort. Dans une autre classe le mot champagne est inscrit. Dans son monde à lui chômage est noté.
Lutte journalière, incessante, navrante. Regarder devant soi, son honneur, sa dignité celui d'être un homme comme les autres. Etre reçu comme tel et respecté comme tel. Voyeurisme mêlé de foutisme d'un monde à deux têtes. Ilots pour milliardaires et trottoirs pour les gueux. Je me suis laissé dire que les comptoirs avaient de longues histoires à raconter il paraît. Il paraît même que certains soirs ils transpirent de vérité.. il paraît.